Relogement problématique pour les victimes de Doweiqa
Le 28-09-2008 par Vincent Fortin
Le drame de l’effondrement de Doweiqa, attire de nouveau l’attention sur la pénurie de logement au Caire. Un dossier pourtant d’actualité depuis… quarante ans.
Minuit, nouvelle banlieue de Doweiqa. Malgré l’heure tardive, le quartier est en ébullition. Ici, ce n’est pas le Ramadan qui tient éveillé, mais la précarité : le voisinage se précipite autour d’une équipe d’aide alimentaire. Avec pour consigne de reloger des milliers d’habitants qui ont perdu leur logement – ou expulsés de force d’habitations soudain jugées trop dangereuses – un responsable local "distribue" des appartements.
C’est ici que le gouvernement entend prouver sa capacité à gérer le problème des ‘achouiat (logements de fortune), suite au drame de Doweiqa : au début du mois, un pan de la falaise du Moqattam s’écoulait sur un quartier informel, faisant plus d’une centaine de morts, selon un dernier bilan.
Ce problème du logement précaire est pourtant ancien : Dans les années 70-80, l’explosion démographique et l’exode rurale drainent dans les quartiers pauvres du Caire plusieurs millions d’Egyptiens. Aujourd’hui, ils seraient près de 10 millions à vivre dans des logements illégaux.
Les "appartements de Suzanne"
Entre autres actions publiques pour endiguer le phénomène de paupérisation, Suzanne Mubarak lançait en 1999 un projet immobilier de grande envergure : 10 000 habitations gratuites devaient être réparties à travers la capitale, à destination des plus pauvres. Mais à la fin du chantier, l’urgence de relogement semble mystérieusement passée et ces "habitations prioritaires" rejoignent le juteux marché de l’immobilier.
Aujourd’hui, la stratégie d’aide publique laisse les habitants dubitatifs. Nombre de ces immeubles restent inoccupés, alors que certaines familles de Doweiqa vivent encore dans la rue. D’autres seraient forcées de déménager, pour l’exemple. Quant à certaines subventions décidées à la hâte, elles provoquent la colère : "j’ai à peine de quoi nourrir mes trois enfants tous les jours, mais on m’a offert une parabole", confie Heba, 25 ans.
Un problème plus profond
Cet exemple des "appartements de Suzanne" appuie l’image d’un régime plus enclin à gérer la crise au coup par coup, qu’à la racine. Comme un coup de peinture sur une carcasse rouillée, un effet d’annonce. Car le problème posé par l’effondrement de Doweiqa n’est certainement pas celui de turpitudes géologiques. Mais celui de l’exclusion, ancienne et récurrente, d’une immense partie de la population, qui n’a jamais eu l’opportunité économique de s’intégrer à la capitale.
(Photo : Elliott Woods)
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